L’austérité de la Gîtâ
et l’Érémitisme Occidental
Comment est comprise l’ascétisme ou
l’austérité dans la Gîtâ !
« Le culte des régnants célestes
(Devas), le prêtre, le gourou, et les sages ; la pureté, la droiture, le
célibat, et la non-violence, sont considérés comme l’austérité des actes.
(17.14)
La parole non offensive, qui est
véridique, agréable, bénéfique, et qui s’apprête à l’étude régulière des
écritures est appelée l’austérité de la parole. (17.15)
La sérénité du mental, la douceur,
l’équanimité, le contrôle du soi, et la pureté des pensées, est appelée
l’austérité de la pensée. (17.16)
Cette triple austérité mentionnée
ci-dessus (de la pensée, la parole, et les actes) pratiquée par des yogis persévérants,
avec une foi inébranlable, sans désir d’en récolter les fruits, est dit
d’appartenir au tempérament bonté. (17.17)
L’austérité pratiquée pour obtenir le
respect, l’honneur, la révérence, et pour la cause de gloire extérieure qui
s’appuie sur l’instabilité et l’éphémère est dit d’appartenir au tempérament
passion. (17.18)
L’austérité pratiquée avec une
obstination stupide, ou en se torturant, ou pour causer du tort aux autres, et
dite d’appartenir au tempérament ignorance. (17.19) »
Les actes de service, de charité, et d’austérité,
ne devraient pas être abandonnés, mais doivent être accomplis, car le service,
la charité, et l’austérité sont les purificateurs des sages. (18.05)
Cette connaissance ne dois jamais être
dite par toi à celui dont la vie n’est pas austère, ou qui n’a pas de dévotion,
ou qui ne désire pas écouter, ou parle mal de Moi.
(18.67)
Le yogi qui n’a pas abouti, est
instinctivement poussé vers l’Éternel Être (Brahman) par la vertu des
impressions (Samskāra) des pratiques yogiques dans les vies précédentes.
Même le chercheur de yoga – l’union avec Dieu – dépasse ceux qui effectuent les
rituels Védiques. (6.44)
Le yogi qui poursuit assidûment ses
efforts, devient complètement libéré de tous péchés (ou imperfections) après
avoir poursuivi graduellement des perfections en de nombreuses incarnations,
atteint la Suprême Demeure. (6.45)
Le yogi est supérieur à l’ascète. Le
yogi est supérieur aux érudits Védiques. Le yogi est supérieur aux ritualistes.
Par conséquent, O Arjuna, devient un yogi. (6.46)
Je considère, le yogi consacré – qui
affectionnément Me contemple avec une foi suprême, et dont le mental reste
absorbé en Moi est le meilleur de tous les yogis. (Voir aussi 12.02 et 18.66)
(6.47)
Les dites mortifications pratiquées par certains petits
groupes d’ascètes en Inde et dans le passé lointain en Occident vont à
l’encontre des prescriptions, qui ignorent l’art de vivre et qui appartiennent
certainement à une catégorie inférieure de religieux même les mieux
intentionnés. La foi qui relève de l’ignorance s’avère ne pas être une
véritable foi. La Bhagavad Gîtâ ne tolère pas les mortifications, nous allons
voir plus loin. L’accomplissement des mortifications mêmes absurdes comme la
flagellation jusqu’à sang et allant même jusqu’à la torture personnelle, le
jeûne total de longue durée et autres, sont plutôt des tendances vicieuses, par
des instinct déréglés, des propensions malsaines ou les simples erreurs de
comportement. Les besoins fondamentaux de la vie sont la nourriture, le
vêtement et l’abri. Au fait, dans le langage des Écritures le mot
« nourriture » inclut toutes ces nécessités. Aucun progrès spirituel
n’accompagne les mortifications qui au fait peuvent mettre à mort comme le
suicide pour une cause soi-disante élevée. Le vrai renoncement ne rejette ni ne
condamne rien de ce qui est l’expression d’un véritable besoin, et de nécessité
naturelle. Elle ne se refuse donc pas ce qu’exigent réellement la faim, la
soif, le besoin de sommeil et de détente, l’infirmité ou la maladie. Ce que le
renoncement combat, c’est la gourmandise, la délicatesse excessive, et la peur
de l’effort. Il coupe et retranche, mais c’est afin de réparer les dommages
causés par nos propres fautes de rétablir la nature, autant que faire se peut,
dans sa pureté originelle, et de nous préparer ainsi au jour de la libération
où il n’y aura plus de naissances et de morts, mais l’immersion du moi
personnel dans l’existence infinie.
Pour conduire à ce but, l’ascèse saine ou austérité
connaît trois grands moyens : le jeune modéré d’une nourriture saine,
l’abstinence du mondain, et les veilles régulières même nocturnes de
méditation, et pratiques dévotionnelles comme la récitation du chapelet et tout
ce qui se rapporte à la prière. Les grands mystiques et sages de toutes les
religions du monde ont toujours répugnés à l’homme ‘charnel’; et, peut-être
sont-ils plus incompris que jamais à notre époque éprise de confort et
accoutumée à satisfaire aisément tous ses désirs. Apaisement des passions,
calme, sérénité, égalité d’humeur, équilibre psychique, vision objective des
êtres : ces éléments de base de la sagesse, le Suprême Absolu les donne à
ceux qui savent attendre, parfois, avant de satisfaire leur faim, renoncer
habituellement à l’usage de certains aliments, interrompre leur sommeil pour
méditer et L’invoquer. Ces pratiques, toutefois, il importe de les embrasser
spontanément, par conviction personnelle ou du moins de désir sincère d’arriver
dans le détachement à la Foi de la Gîtâ. Il importe, dans les commencements
tout ou moins, de se munir des conseils d’un maître spirituel ou gourou
expérimenté, et quant à la nourriture d’un diététicien Védique ou autre. Il en
est un bon nombre aujourd’hui en Orient autant qu’en Occident, qui se trouvent
d’accord en cette matière avec la tradition ascétique plutôt que cénobitique.
Nous ne dirons ici que quelques mots à propos de chacun des moyens en cause,
tels que le jeûne, l’abstinence, et les pratiques yogiques des veilles.
La Bhagavad Gîtâ, comme tout système Védiques nous
apportent un moyen pratique pour atteindre à l’idéal le plus élevé. Bien que
nous commencions par la pensée, notre but est d’aller au delà de la pensée,
jusqu’à l’expérience décisive. Au fait, les systèmes philosophiques d’Orient et
d’Occident, ne nous apportent pas seulement des théories métaphysiques, mais
aussi un dynamisme spirituel. La Gîtâ nous donne un érémitisme pour les uns, et
un yogaśāstra pour les autres, complet, large, flexible et riche de
voies d’action, qui inclut plusieurs phases du développement de l’âme et de son
ascension au divin. La perfection au degré humain est une tache qu’il faut
accomplir par l’effort conscient. L’image du Suprême Être agissant en nous
produit un sentiment d’insuffisance. L’homme a la hantise de la vanité, de la
brièveté et de la instabilité de tout bonheur humain. Ceux qui vivent à la
surface de la vie peuvent ne pas sentir la détresse, le déchiquetage d’esprit,
et n’éprouver aucun désir de chercher leur vrai bonheur d’une paix intérieure
en qualité de récompense spirituelle. Arjuna typifie l’âme humaine à la
recherche de la perfection et de la paix. Dans les deux premiers chapitres de
la Gîtâ nous le voyons le mental chargé de nuages, ses convictions incertaines,
et sa conscience confuse. Les angoisses de la vie le blessent d’une misère
rongeante. Pour chacun de nous il vient une heure, tôt ou tard, car la nature
des choses n’a pas de hâte, où tout ce qu’on peut faire pour nous échoue, en
tombant dans un abîme de totales ténèbres, où on donnerait tout ce qu’on
possède pour un rayon de Lumière Divine. C’est ainsi, que la poussée invisible
qui nous fait chercher le Suprême Absolu produit maintes fois l’agonie qui
inspire l’idéalisme héroïque et l’épanouissement de l’homme. L’image du
Seigneur en nous s’exprime dans l’infinie capacité de nous dépasser nous-mêmes.
L’effort de l’homme a sa place dans l’abandon total au Suprême Absolu ;
abandon qui ne peut être dénué ni d’intention ou d’effort.
Jeûner, c’est – La Palice l’aurait dit –s’abstenir de nourriture durant un temps
plus ou moins long. On ne jeûne pas quand on se contente de manger moins que
d’habitude, de rester sur sa faim, au petit déjeuner ou au repas du soir.
Jeûner, c’est rester complètement à jeun pendant un temps vraiment
notable : jusqu’au soir, disait l’ancienne tradition et pratiqué par
l’Islam pendant le Ramadan ; où même plus longtemps si la santé de la personne
permet. Ce qui n’interdit pas de prendre de l’eau ou quelque autre boisson
légère si on en éprouve le besoin. De toute façon, il faut noter à ce sujet que
l’estomac et les autres organes de la digestion ont besoin de se reposer de
temps en temps. Ne les obligeons pas à travailler sans arrêt. Leur fatigue
rejaillirait sur tout l’organisme. D’où la règle minimum de santé qui consiste
à ne pas manger entre les repas, et à prendre ses repas à l’heure fixe, en les
espaçant suffisamment les uns des autres. Trois repas par jour doivent suffire
à un adulte, hors le cas de convalescence après une grave maladie. Et si l’on
peut arriver à se contenter de deux, ou même de temps à autre, d’un seul repas,
ce sera également très bénéfique. La réduction volontaire du nombre des repas,
la pratique périodique d’un jeûne modéré mais sérieux, confère à la longue une
indépendance remarquable à l’égard de la nourriture. On apprend par là à donner
au corps ce dont il a réellement besoin et quand il en a besoin ; on n’est
plus l’esclave d’une faim plus imaginaire que réelle, proche parente de la
gourmandise et cause, si on la satisfait, de nombreux malaises.
L’abstinence, au sens restreint du terme, consiste à exclure de son alimentation ce
que les anciens appelaient la « chair », mot qui contrairement à une
interprétation trop répandue, désigne le poisson tout autant que la viande. Il
s’agit donc d’observer un régime purement ou principalement végétarien. Un tel
régime doit rester équilibré, contenir assez de protéines pour pourvoir à la
perpétuelle reconstruction de l’organisme. Il le sera aisément si on place à la
base du pain de froment complet ou du
blé sous une autre forme, du riz complet (riz brun), si l’on y ajoute du
fromage, et, avec modération, des légumineuses : haricots, pois,
lentilles, graines de soja, etc. On trouve beaucoup de protéines dans les noix,
noisettes, cacahuètes et autres fruits oléagineux. Quant aux fruits et légumes,
on les mangera de préférence frais, produits dans le pays et en leur saison.
Ils conservent mieux leurs vitamines s’ils sont consommés crus. Autant que
possible, l’huile et les autres graisses végétales ne seront ni portées à
ébullition, ni même trop échauffées : mieux vaut les ajouter crues aux
aliments déjà cuits. Il faut en tout cas éviter les fritures, qui sont de
véritables poisons. D’une façon générale, préférer une cuisson lente à une
cuisson trop rapide. On veillera à ne pas abuser du sel et des condiments
irritants pour l’intestin. Le sucre, de son côté, ne doit être pris que
modérément, et de préférence sous forme de miel, de cassonade ou de candi. On
aura grand soin de bien mâcher la nourriture, surtout les féculents (pain, riz,
légumineuses, etc.), qui ont besoin d’être bien imprégnés de salive pour être
convenablement assimilés. Il va de soi qu’il est interdit de consommer tout
boissons alcooliques.
D’aucuns s’étonneront peut-être de nous voir entrer dans
de pareils détails. Tous les ascètes de n’importe quelle religion, ont reconnu
l’importance d’une alimentation simple et saine, pleinement adaptée à une vie
sédentaire, paisible, et adonnée principalement aux choses spirituelles, donc
de l’esprit. Notre corps et notre âme ne font qu’un. Ils ne peuvent être
dissociés que dans l’abstrait et comme par un jeu de l’intelligence. Ce qui
nuit à l’un fait du tort à l’autre. Ce qui maintient l’un en bonne santé
contribue à garder l’autre dans un état de parfait équilibre. Pour vivre
pleinement au niveau du mental, dans la présence du Suprême Être, dans la plus
grande paix, pour garder la lucidité du jugement, la pureté des pensées et des
sens, il faut donner au corps une nourriture qui ne l’alourdisse pas et
n’encrasse pas l’organisme, une nourriture qui n’excite pas les passions, la
nervosité, le besoin de changement et l’agitation. Et c’est là ce qu’on est en
droit d’attendre du régime que nous venons d’indiquer. Il faut vivre et
travailler dans le détachement, rendant toujours le service désintéressé.
Les veilles
nocturnes sont la troisième forme d’ascèse recommandée
par la tradition érémitique ou ascétique. Les meilleurs moments pour méditer
sont le matin très tôt et le soir avant d’aller se coucher mais quels que soient
l’heure et le lieu choisis, il faut s’y tenir dans toute la mesure du possible
car un rythme s’établit ainsi et une habitude spirituelle se crée qui
augmentent le pouvoir et l’efficacité de la méditation. L’étude des Écritures,
comme la méditation et les pratiques spirituelles dont la prière (la récitation
des mantras comme « Gayatri » (voir notre introduction)), est
absolument indispensable. D’autre part, il est également souhaitable de
s’intéresser à la poésie, à la musique et aux arts, en s’assurant bien que les
lectures sont vraiment bonnes et qu’elles ont des qualités spirituelles et
édifiantes comme des ouvrages religieux concernant les Avatars. La beauté
spirituelle élève l’âme vers le Suprême Absolu qui est la Fontaine de toute
beauté et de toute béatitude. Il est bon et souhaitable de méditer sur les
Avatars comme le Seigneur Krishna, le Christ ou sur le Bouddha, mais la
meilleure de toutes les pratiques c’est celle qui consiste à méditer sur le
Brahman (Dieu) dans toute Sa plénitude et dans toute Sa perfection en se
rappelant toujours que les Avatars sont des rayons de Lui qui est le Tout. La
dévotion au Suprême Absolu est l’un des plus sûrs moyens pour purifier la
volonté et l’intellect. Au moment de la dévotion, vous exposez le mental à un flot
de lumière, toutes vos pensées son concentrées sur la lumière. Si votre
dévotion va au Seigneur Krishna, vous vous trouverez en face d’une grande
montagne de lumière spirituelle, et il en va de même pour Rama, Siva, ou le
Christ. La dévotion signifie projeter ce qu’il y a de meilleur en vous en
forme-pensée pour en couvrir la sainte forme du Suprême Absolu. Dans cette état
psychologique, le mental est inondé d’une lumière qui a un effet cumulatif et
qui persiste même après la méditation comme le parfum d’une fleur, une rose par
exemple, que vous touché dans le jardin.
A quoi peut te servir une science sans sincérité et
véracité ? Donc, instruis-toi, pries, médite et jeûne dans un
désintéressement complet, et fais le pour le bien-être des créatures. Une austérité
qui ne serait pas humble, une austérité qui se prendrait trop au sérieux, ne
saurait nous faire croître en amour, car, elle créerait au contraire des
obstacles plus grands que ne le ferait une manière de vivre tout ordinaire et
semblable à celle de tout le monde. Nous sommes dans le monde, mais pas du
monde. Les moyens austères et ascétiques, on les utilise parce qu’on croit à
leur valeur réelle.
L’érémitisme médiéval en Occident (X - XII siècles). Et,
pourquoi pas de nos jours !
La définition même de l’ermite – quelqu’un qui se retire
de la vie active pour mener une vie de solitaire. Un solitaire, dans sa cabane,
songeait à autre chose qu’à rédiger un récit de ses expériences. Comment des
actes auraient-ils pu être délivrés à son intention ? Il recherchait la
solitude, mais point la stabilité. L’ermite ne figure dans les sources
qu’accidentellement, lorsque son expérience a connu un tel succès qu’un
établissement religieux s’est perpétué après son départ ou à sa mort, là où il
vivait, lorsqu’on a continué à y vénérer sa mémoire. Dans ce cas, cependant,
les dangers qu’un changement de perspective peut amener ne sont pas illusoires.
Les sources ne permettent pas de retrouver une origine
sociale ou juridique commune à tous les ermites : la vocation de la
solitude n’est pas liée à une condition déterminée. Ce sont les récits ou les
vitæ qui donnent des indications précises et qui permettent de situer les
ermites d’une extrémité de l’échelle sociale (la haute noblesse) à l’autre (les
roturiers). Si leur origine diffère, leur éducation atteint presque le même
niveau. Presque tous sont formés dans la science des lettres ; et, ils se
distinguent ainsi de leur modèle, comme Antoine l’ermite.
Résumé de ce que le yogi ou le
dévot, l’ascète trouve dans la Gîtâ :
·
La connaissance de Soi ouvre l’homme sur l’univers
entier, ses frères et sur le Suprême Absolu. Qui se connaît discerne l’économie
du salut.
·
La destinée spirituelle de chacun assume la démarche
en quête du salut final où il n’y aura plus de retour.
·
Cette œuvre du salut est réalisée en communion
constante avec le Suprême Absolu.
·
A l’âme qui se livre à l’œuvre du Suprême Absolu,
Son Esprit est accordé suivant des
mesures variables et, semble-t-il, en des étapes progressives. Il y a un Esprit
de conversion (avec Lui toutes choses sont devenues nouvelles) qui facilite les
débuts, et un Esprit directeur qui amène l’âme à progresser. Le Suprême Esprit
est pour l’homme lumière et force. L’intimité et la douceur de cette
collaboration en communion avec le Suprême Esprit et le cœur dans l’œuvre du
salut, sont notre restauration spirituelle. Le Suprême Esprit instruit, guide,
discerne en nous. Il allège et adoucit le combat, il atteste et attire
intérieurement, et peu à peu par notre méditation et les pratiques yogiques, Sa
mouvance toute entière.
L’ermite se retire dans la solitudo ; il s’installe dans un eremum ou un heremitagium,
le sens de ces deux mots restant imprécis. Ainsi eremum est souvent employé
dans le sens de « couvent », de « monastère », et ne suppose
pas une vie solitaire.
L’ermitage peut avoir été abandonné pendant un certain
temps, parce qu’un des traits typiques de la recherche de la solitude est
l’absence de stabilité. Pour la plupart des ermites zélés, le retrait dans la
solitude ne constituait pas l’étape définitive dans leur vie. L’érémitisme n’a
été pour certains qu’une phase dans leur évolution spirituelle ou leur carrière
ecclésiastique. Pour d’autres ascètes ou ermites, le retrait dans la solitude
constituait bel et bien la phase définitive pour leur évolution spirituelle.
La solitude que recherchent les ermites doit être
interprétée en deux sens : elle est solitude intérieure ou extérieure.
Quoique les sources ne fassent normalement pas la distinction, une étude
approfondie des sites occupés, plus spécialement par les cisterciens, prouve
que l’isolement n’était pas si grand qu’on le croit. Le site favori fut une
montagne, au bas de laquelle coule une rivière.
La maison, la cella
ou cellula que se construit l’ermite
est toute simple ; cabane de branchages, recouverte d’un chaume léger,
elle prouve le lien qui unit l’ermite à la nature. Les premiers oratoires
étaient faits de branches et de feuilles, ou du bois. Quelquefois, on creusait des grottes.
D’autres fois, les ermites s’installaient dans les ruines, ou bien ils
restauraient une chapelle vétuste et délabrée. Aussi les arbres pouvaient
servir d’abri, comme un chêne pourri à l’intérieur.
Pourquoi et comment tel ou tel clerc ou laïc se
retire-t-il dans ce locus horroris et
vastae solitudinis ? L’influence
des Écritures Sacrées est manifeste. Plusieurs vitæ ou récits de fondation citent les Écritures sacrés, et si les
extraits sont toujours différents, ils insistent encore aujourd’hui sur les
mêmes valeurs et sur les conditions nécessaires à la libération éternelle, le
Nirvāna (la vie éternelle) :
quitter sa famille, vendre ses propriétés et donner tout aux pauvres, etc.
Établir une distinction très nette entre vie spirituelle
et vie matérielle n’est pas chose facile, car la vie spirituelle conditionne
profondément l’autre et vice versa. La solitude n’est pas un but en soi, mais
doit amener l’ermite à tout abandonner pour le Suprême Absolu, et suivre le
Seigneur, afin de parvenir à la libération, le salut de l’âme. La solitude aidera
l’ermite à méditer, à prier et se livrer à des pratiques spirituelles le jour
et la nuit, et à parvenir à la contemplation pure. De fait,
« contempler » sera rendu dans la plupart des textes par vigilare, « être éveillé jour et
nuit » ; c’est ce qui rend à l’ermite sa vie si dure. Sur le chemin
de la contemplation, les pleurs, le lugere
des textes érémitiques et cénobitiques, accompagnaient la prière ininterrompue.
En ce qui concerne l’hygiène, les ermites ne cultivaient
pas les mêmes idéaux. Certains portaient leurs habits jusqu’à ce que l’excès de
saleté ou de poux les obligeât à les quitter. Ils les secouaient alors sur le
feu ou les trempaient dans l’eau et les revêtaient ainsi lavés et un peu
pressés. D’autres voulaient que leurs vêtements fussent propres, car ils
pensaient qu’avoir quelque chose de malpropre était un indice de négligence, et
non preuve de vertu. La Gîtâ autant que les Écritures
Védiques insistent sur la pureté intérieure et extérieure.
Important dans l’évolution de l’érémitisme est le rôle du
travail manuel. Le travail est inspiré, et les ermites médiévaux en étaient
conscients. Ils étaient aussi la conditio
sine qua non de survie, mis à part les dons en nourriture que faisaient les
fidèles. Le défrichement des terres, que les ermites occupaient sans en être
propriétaires, était une activité ingrate, et ses résultats incertains. La
recherche d’une plus grande sécurité les amènera précisément à obtenir la
propriété qui sera, à son tour, un pas décisif vers la formation d’un coenobium.
Normalement l’ermite n’entre pas tout à fait seul dans
son désert : on est deux ou trois, même au début, avant qu’on puisse
parler d’une première expansion. Cette règle n’est pourtant pas générale, parce
que les vrais solitaires existent. C’est autour de ce noyau primitif de deux ou
trois ermites que va se former une plus grande communauté, dont il est
impossible d’évaluer le nombre des membres : les sources narratives
manquent de précision et les actes où ils figurent comme témoins datent
généralement de l’époque cénobitique. Provisoirement, les premiers ermites
habitaient ensemble, mais aucun vœu de stabilité ne les retenaient : on
vient, on part. Cependant, afin d’éviter que leur ermitage ne devienne un
colombier, les initiateurs favorisaient une tendance à la stabilisation.
L’accroissement du nombre des ermites accentuera plus tard la stabilisation et
constituera un nouveau pas vers la cénobitisation.
L’ermite en quête d’une solitudo perdait de vue que toute terre, si inculte ou désolée
soit-elle, appartenait à quelqu’un. Son installation ne sera donc pas dénuée de
difficultés, surtout lorsque la communauté grandit et que le défrichement
perturbait la faune ou portait tort à la végétation. Mais les propriétaires
laïques, même réticents au début, se laissaient finalement convaincre de
concéder le site et la terre environnante à l’homo Dei (l’homme de Dieu).
Finalement, comment se comportaient envers les ermites
les autorités ecclésiastiques, dont le rôle ne se limitait pas à celui de
propriétaires ? Les évêques, quand ils s’attelèrent à la réforme
grégorienne, ne pouvaient qu’être favorables à cette voie. La réforme de
l’Église, en ce qu’elle concernait et la vie intérieure, et l’organisation ecclésiastique,
devait être mise en œuvre avec le concours de l’érémitisme.
Plus loin, la construction d’une chapelle ou même d’une
église est une affaire des plus importantes pour les solitaires : la
cabane de bois ou la ruine restaurée ne suffisaient plus aux aspirations des
zélés, ni au succès de leur ermitage. L’afflux des compagnons nécessitera la
construction de nouveaux bâtiments, et la nouvelle église attirera d’autres
vocations. Elle jouera donc un rôle principal dans la stabilisation de
l’ermitage, ouverture au cénobitisme, l’expansion grandiose de l’ermitage.
L’érémitisme aujourd’hui en
Occident et le dernier Concile Vatican II.
Dans le sillon de saint Benoît.
Comme l’auteur de cette étude appartient en tant qu’oblat
séculier de saint Benoît à la grande famille religieuse bénédictine, cette
partie sur l’érémitisme Occidental est, à
la fois comme le titre indique accentuée, sur la Gîtâ et la spiritualité
bénédictine. L’oblat bénédictin est un croyant qui, poussé par le désir de
mener une vie plus parfaitement conforme à l’idéal de l’Évangile, s’attache
ainsi à une famille monastique de son choix et à un lien d’ordre spirituel,
ainsi dans la mesure du possible participer aux prières et aux mérites de cette
communauté à la recherche du Suprême Absolu (Dieu). De cette recherche de Dieu,
poursuivie à travers toute sa vie, saint Benoît (480-547) n’a laissé qu’un
unique témoignage, un peu comme la Gîtâ : une Règle qu’il avait établie
pour les frères groupés autour de lui. Et cette Règle, maintes fois recopiée,
maintes fois rééditée, guide encore de nos jours ceux qui officiellement,
canoniquement, se réclament de saint Benoît, ceux qui peu ou beaucoup vivent
dans le sillage du Père des moines. Ce père, jeune étudiant de la Rome
impériale, fuyait la vie universitaire pour aller à la recherche de Dieu, dans
la solitude de Subiaco (Italie). Et, là, ce n’était pas dans le but de réformer
l’Église par une fondation qui révolutionnerait la vie religieuse de son
temps : il fuyait simplement une société pourrie où régnait les ténèbres.
Saint Benoît, dans l’article premier de sa règle,
distingue quatre espèces de moines. Les communautaires ou cénobites qui se
groupent pour vivre selon une règle dans un monastère ou abbaye dirigé par un
père abbé, qui lui représente le Christ au sein de cette congrégation. Les
ermites ou anachorètes, dans une solitude radicale, cherchent une consécration
encore plus totale à Dieu que les cénobites. Les sarabaîtes mènent seuls ou à
deux, ou trois une vie religieuse selon leur fantaisies du moment. Les
gyrovagues, enfin, ne tiennent pas en place, et voyagent.
Quant à l’érémitisme, il est fréquent de voir des
fondateurs d’ordres religieux, tels que saint Benoît, saint Bruno (fondateur
des Chartreux), saint François d’Assise, quitter les communautés qu’ils ont
fondées et terminer leur vie à l’écart de leurs frères dans une solitude
relative ou absolue.
Si l’ascèse ne doit pas être la destruction du corps (les mortifications corporelles sont
interdites dans la Gîtâ), elle est cependant nécessaire pour manifester
dans la chair le détachement, le service désintéressé, et la volonté de se
gouverner soi-même.
Fixe ton mental sur Moi, sois Mon dévot, adore-Moi, et
incline-toi devant Moi. Ainsi, uni à Moi en Me mettant comme dessein suprême et
seul refuge, tu M’atteindras certainement. (Gîtâ 9.34)
N’en concluons pas que l’ascèse raisonnable deviendra
accessoire ou temporaire. Elle n’est pas présente seulement à certains moments,
mais toujours. Elle sous-tend toutes les heures de la journée, même si quelques
gestes ponctuels visibles en manifestent l’importance. La solitude n’est pas
l’horreur de l’autre. Elle postule la découverte, par certains hommes, qu’être
« autre » est leur seul moyen d’aider les autres. L’ermite ne se
contente pas de penser aux autres, mais essaie d’être autre pour les autres. L’ermite
dans son désert doit réaliser, au sommet de son être, une communion avec les
créatures vivantes. Finalement, le silence de l’ermite n’est pas ce que l’on
croit. C’est une ligne de crête. L’ermite doit refuser toutes les contrefaçons
du silence. Il doit écarter le silence de l’orgueil, le silence de
ressentiment, le silence d’hébétude, le silence de la fatigue, le silence de
l’angoisse, le silence de prudence, le silence de l’indécision. Tous ces
silences ne sont que des mutismes. Le vrai silence digne d’être recherché,
c’est vivre suivant la Bhagavad Gîtâ, la Bible, paroles de Dieu.
L’ermite et l’unité des religions.
L’ermitage accueille toutes les religions, et tous les
âges de la vie de l’homme. L’ermite, l’ascète, le yogi de la Gîtâ est le plus
œcuménique de tous les religieux, et fait naître dans la solitude, pour
augmenter la communion des saints, une multitude silencieuse. Le Père Charles
de Foucault (1858, explorateur et missionnaire français) ne baptisera personne,
il ne verra pas un seul compagnon venir vivre à ses côtés, et il mourra même
seul. C’est pourtant le père de Foucault qui engendrera la postérité
spirituelle la plus abondante de notre temps.
Vatican II, la nouvelle Pentecôte dans
l’Église catholique.
Appréciant les qualités individuelles des ermites, la
Chrétienté surtout la Catholicité Romaine est consciente de ce que apportes
leur témoignage dans une société qui ne croit plus en sa propre façon de
vivre ; ainsi, le Vatican lors du dernier Concile a constitué un statut des
ermites, notamment dans son « Code de Droit Canonique » (Ed.
Centurion – Cerf – Tardy en 1984), Canon 603 § 1 et 2 :
(1) Outre les instituts de vie
consacrée, l’Église reconnaît la vie érémitique ou anachorétique, par laquelle
des fidèles vouent leur vie à la louange de Dieu et au salut du monde dans un
retrait plus strict du monde, dans le silence de la solitude, dans la prière
assidue et la pénitence.
(2) L’ermite est reconnu par le
droit comme dédié à Dieu dans la vie consacrée, s’il fait profession publique
des trois conseils évangéliques scellés par un vœu ou par un autre lien sacré
entre les mains de l’Évêque diocésain, et s’il garde, sous la conduite de ce
dernier, son propre programme de vie.
Au Concile Vatican II, Mgr. Remi De Rao, évêque de
Vancouver, avait demandé une reconnaissance « simple et très souple »
de la légitimité de la vie érémitique au sein de l’Église. En 1967, le congrès
des abbés bénédictins décidait qu’il fallait « encourager les vocations à
l’érémitisme…, mais après un discernement sérieux ».
Au fait, le véritable érémitisme n’a pas à être inventé
de nouveau, il a toujours existé, au temps de Srīkŗşna que du
Christ, même avant et après. La Présence du Suprême Absolu est cachée, et
l’ermite l’imitera. Il se retire dans un lieu secret, ou reste là où il se
trouve sans rien murmurer de son aventure. Il se peut que la communion
intérieure éclate au-dehors, et il revêtit alors un « visage de
fête », comme on le disait de saint Bruno, le fondateur des Chartreux. La
vie solitaire obéit à des lois que l’ancienne pratique a dégagées et que la
tradition a transmises. Comme on a déjà vu partiellement plus haut, tout au
début, il y a des techniques du désert : comment organiser son temps,
comment se nourrir, comment faire face à telle ou telle difficulté
psychologique. Pour ce faire, de toute façon au début, un maître spirituel (un
gourou charitable et désintéressé) est nécessaire. Alors seulement, l’ermite
débutant pourra-t-il, s’installer dans son propre ermitage, et vérifier sa
vocation au feu de l’expérience. Comme le « Code de Droit Canonique de
l’Église Catholique Romaine » précis, est ermite celui ou celle qui vit en
solitaire en pratiquant les trois vœux classiques des religieux :
pauvreté, pureté (chasteté) et obéissance.
Pour le reste, chaque ermite ou ascète est dans une situation juridique
particulière, quant à la Chrétienté.
Finalement, tout croyant aujourd’hui, que ce soit
l’hindou, le chrétien ou autre, a plus que jamais besoin, d’une vie nourrie de
solitude et de silence. Cette vie sera notre dernière naissance si nous avons
aujourd’hui un désir brûlant pour la spiritualité, la méditation, et le courage
de vivre une vie sainte ou divine. C’est ce que la Bhagavad Gîtâ nous propose,
pleine d’optimisme, d’espoir et de joie. Un dévot silencieux et calme, qui
pratique la méditation intensément et essaie de se défaire de ses fausses
reconnaissances avec les enveloppes de matière, est le plus haut parmi les
ascètes et érudits.
L’échange spirituel entre le
monachisme hindou et chrétien.
Il y a une initiation personnelle chez l’hindou qui n’
existe pas chez le chrétien, notamment un approfondissement intérieur qui est
lié à toute une phénoménologie du monde, des dévots et de la vie même. S’il y a
vocation à la vie érémitique, c’est que ce dévot pendant tant d’années ne fait
que méditer, réciter ses prières, en se plongeant dans les saintes écritures,
vivant ainsi en communion avec le Suprême Absolu, faisant aussi cet effort
d’intériorisation, qui fait l’hindou, mais aussi le chrétien. Côte à côte avec
les Écrits Védiques, quand on lit certains textes chrétiens, on se demande où
est la différence. On peut se trouver dans un climat culturel autre, ou même un
univers psychologique différent, mais la poursuite est exactement la même. La
seule grande différence entre l’hindouisme et le christianisme est celle du
« passage outre », notamment mourir et renaître sans cesser d’être.
Aujourd’hui, beaucoup d’Occidentaux, croyants bien-informés, acceptent, à
l’encontre même du Christianisme, la doctrine de la réincarnation comme seule
possibilité logique, ou de très forte éventualité. Cela met d’autres éléments cruciaux de la
doctrine chrétienne en cause, telles que le récit de la création, la naissance
et la mort, le ciel (paradis céleste) ou l’enfer, et éventuellement la
purgatoire, et la résurrection des morts.
(Après tout, ne vivons nous pas l’ère scientifique où les anciennes
valeurs chrétiennes, s’expliquent au moins autrement ! Et, cela est encore
peu dire.) Ce qui pour l’hindou se déroule en plusieurs vies, ou même une
infinité de vies successives, pour le croyant Abrahamique (des trois courants
religieux majeurs de la Bible et le Coran), tout se joue dans une seule vie.
Et, cela est une différence inconcevable de nos jours.
A côté des trois figures gigantesques du monde mystique,
qui ont accentué pour une très grande partie de la vie de l’auteur, notamment
saint Benoît, saint Bernard de Clervaux, et saint Jean de la Croix, il porte
depuis quelques années une vénération pour l’ermite et maître spirituel Sri Ramana Maharshi, de Tiruvannamalai, qui mourut en 1950 (1879-1950), connu comme le
Sage d’Arunâchala. Il vivat retiré près de la montagne sacrée Arunâchala,
plongé dans le Soi Éternel. Le saint homme alors septuagénaire, est vénéré
encore aujourd’hui comme un saint et possède un rayonnement spirituel
extraordinaire.
Un moine catholique, par ses écrits, incité au dialogue
avec la spiritualité orientale et a achevé cette rencontre par sa vie : c’est
un trappiste, l’écrivain américain Thomas Merton. Les premières œuvres
spirituelles de sa carrière d’écrivain sont de bons livres dans la ligne
traditionnelle, en forme d’autobiographie ou de méditations. Presque en même
temps, Thomas Merton évolue dans le sens d’une radicalisation de la vie
monastique, tant dans le sens de l’engagement politique (question raciale, et à
l’époque la guerre du Vietnam) que dans celui de la méditation orientale,
influencé par un maître du zen, l’écrivain, T. Suzuki. S’il doit au zen
japonais la première impulsion, sa nouvelle orientation va le diriger plus
généralement vers la spiritualité orientale. Il est fasciné de découvrir un
monachisme ainsi exclusivement porté au perfectionnement intérieur et à la
recherche de l’Absolu, d’autant plus qu’il doit reconnaître qu’une telle
radicalisation n’exclut pas l’engagement au service désintéressé des hommes, ce
que la Gîtâ enseigne d’ailleurs.
Ses expériences personnelles, fixées dans les aperçus
théologiques et les notices de son journal, dominent dans son dernier voyage.
Invité à parler à la conférence organisée à Bangkok par les ordres monastiques
en 1968, il profite des semaines précédentes pour faire un voyage en Asie
(Ceylan, Singapour et Thaïlande). Partout il noue des contacts et prend
conscience avec joie les liens spirituels qui l’unissent aux moines hindous,
bouddhistes et lamaïstes. Les expériences vécues au cours de ce voyage ne
seront plus lues dans les ouvrages littéraires ni exprimées par la nouvelle
orientation de sa vie : elles aboutissent dans la mort et dans le désir de
se faire tout à tous, et même « frère bouddhiste pour ses frères
bouddhistes », etc. La connaissance de la méditation orientale a poussé
Thomas Merton à franchir des frontières dans une mesure telle que son
itinéraire spirituel n’était plus accessible aux dogmes Catholique Romain. Il
avait pris le risque, et beaucoup pensent que son ouverture vers les religions
Orientales lui a coûté la vie, les causes de sa mort demeurant obscures jusqu’à
ce jour. D’ailleurs, Thomas Merton esquisse dans ses dernières œuvres l’utopie
d’un monachisme qui ne s’épuise pas à sonder ses propres traditions religieuses
mais s’ouvre aux dimensions du monde pour dégager, au nom de tous les hommes et
de toutes les religions, de nouveaux horizons en donnant une base unificatrice
à l’expérience intérieure du Suprême Absolu (Dieu). Il s’agit donc pour lui de
faire éclater les frontières de la religion culturelle et structurelle pour
accéder, grâce à ce nouveau souffle de l’Esprit, à la vraie liberté. Il n’a,
malheureusement, pas pu continuer son œuvre, mais depuis lors les philosophies
Orientales sont déjà bien ancrées en Occident, et la pratique de la méditation
jusque dans les monastères occidentaux actuels.
L’échange spirituel entre le monachisme (et,
l’érémitisme) hindou et le monachisme chrétien a commencé dans les années
cinquante et soixante (donc, il y a relativement peu de temps), et dès le
début, de part et d’autre, les opinions furent très divergentes. Tant chez les hindous
que chez les chrétiens on trouvait des moines qui approuvaient ce dialogue et
qui l’ont même conduit jusqu’à l’expérience d’un choix de vie, mais des deux
côtés s’élevaient des voix qui parlaient d'antipathie et recommandaient
uniquement la tolérance réciproque. Fondre toutes les religions en une seule,
dont la possibilité est démontrée par la Bhagavad Gîtâ, qui quant à ses vérités
se trouve au-delà des religions. Surtout, lorsqu’on vient à comprendre la
théorie de l’avatar, expression éloquente de la loi du monde spirituel. Si l’on
considère le Suprême Absolu comme le Sauveur des hommes, il faut qu’Il se
manifeste toutes les fois que les forces du mal menacent de détruire les
valeurs humaines. Un avatar est une descente de Dieu dans l’homme, non une ascension
de l’homme en Dieu, telle qu’on la voit dans l’âme libérée. La possibilité de
la descente d’un avatar, tels que le Seigneur Krishna, Moïse, le Christ,
Mohammed, pour nommer que quelques uns à travers les âges, indique que le
Suprême Absolu n’est pas opposé à une manifestation vitale et physique
complète. (La naissance du Seigneur Krishna signifie la rédemption au sein de
la plus noire des nuits, car à l’heure du malheur et de l’esclavage, le
Seigneur du monde naît.) Nous pouvons vivre dans le corps physique et pourtant
posséder la pleine vérité de la conscience. La nature humaine n’est pas une
chaîne ; elle peut devenir un instrument de la divinité. Bien que la
Bhagavad Gîtâ accepte la notion que l’avatar est une limitation du Suprême Être
Lui-même, accomplissant quelque dessein sur terre, possède dans Sa forme
limitée la plénitude de la connaissance. La Gîtâ insiste aussi sur l’Avatar
Éternel, le dieu (la Pensée Christique, l’Étincelle Divine, la Flamme Divine)
dans l’homme, la conscience Divine toujours présente dans l’être humain,
éveillée par la grâce Suprême, ou endormie dans l’ignorance.
Aujourd’hui les religions asiatiques se sont installées
en Occident, par l’intermédiaire de quelques représentants remarquables, mais
aussi malheureusement par de tristes aventuriers. En ce temps de déclin des
traditions religieuses Occidentales, les hindous, les bouddhistes, sont autant
de pôles d’attraction alternatifs aux religions existantes dans nos pays, dont
il ne faut pas sous-estimer l’influence. Les religions asiatiques ont conquis
leur place chez nous sur le marché des livres et dans les médias. Les chrétiens
apprennent dans des cours appropriés des techniques nouvelles de méditation et
de nouvelles manières d’interpréter les réalités religieuses, par exemple,
l’inévitable réincarnation.
« Nous sommes tous ensemble des pèlerins qui se
rencontrent, de pèlerins qui se mettent en route pour chercher Dieu, non dans
des temples de pierre mais dans le cœur des hommes. » (S.S. Paul VI)
Si votre cœur est pur et votre mental vigilant, pour vous
la nuit illuminera comme le jour, précieuse comme le reliquaire des grands
souvenirs de l’Attitude du Suprême Être dans l’humanité.
La Bhagavad Gîtâ dit :
Car en percevant l’Éternel Être
omniprésent (Brahman) demeurant dans tous les êtres, et tous les êtres demeurant
en l’Éternel Être, le yogi qui est en union avec l’Éternel Être, voit chaque
être d’un œil égal. (Voir aussi 4.35, 5.18) (6.29)
Ceux qui Me voient en tout et qui
voient tout en Moi, ne sont pas séparés de Moi, et Je ne suis pas séparé d’eux.
(6.30)
Philippe De Coster, D.D.[1]
[1] Pour situer en
bref, ‘Philippe De Coster’ sur le plan religieux et spirituel, il est un gradué
en théologie protestante. Il fut élève à l’Institut Biblique de Bruxelles
(1960) ; il reçut en 1970 un certificat de fin d’études en métaphysique
chrétienne de l’ « Unity School of Christianity, Lee’s Summit, Missouri,
USA » ; obtint un diplôme au London Bible College, Northwood, Londres
en 1984, et accepté depuis lors comme ancien élève de cette institution.
Entretemps, il poursuivit un programme d’étude ‘extra muros’ de réadaptation
théologique avec une faculté de théologie universitaire Américaine, et obtenu
le degré de « Bachelier en Théologie » en 1980 au Southeastern University,
Greenville, South Carolina par l’intermédiaire du Pasteur Diederik D. J.
Quatannens, Professeur à la Faculté Théologique Protestante de Bruxelles,
Aumônier Général des institutions pénitentiaires belge ; et, responsable
Européen pour la Southeastern University. En 1979, il reçut le titre ‘honoris
causa’ Anglo-saxon de ‘Docteur en Divinité’, d’où les initiales ‘D.D.’, conféré
par l’Institut St. Ephrem à Stockholm, Suède, suite à un travail de recherche
et traité théologiques important. Depuis 1963 environ, il s’est toujours
intéressé à la méditation, à la vie érémitique et, fut même le fondateur d’une
telle institution en Belgique sous l’abréviation ‘OMESA’, l’ésotérisme notamment
Hindou ; et, il eut depuis 1974 une haute fonction dans le Vieux
Catholicisme Romain et Latine (hors Rome). Le 1e
Octobre 1991, il fut reçu comme oblat séculier à l’Abbaye Bénédictine Saint
Pierre (Catholique Romaine), Steenbrugge, lez Bruges (Belgique), par feu Dom
Livien, prieur de la dite Abbaye. Il jouissait ainsi des privilèges spirituels
de l’Ordre Bénédictin. Le Père Dom Livien-Frans Biebuyck mourut le 5 Février
1998. Désormais, à la retraite depuis Janvier 2000,
il s’occupe unique de propager la Bhagavad Gîtâ et la Méditation (comme
toujours d’ailleurs depuis les années soixante), tout en vivant son idéal de
vie semi érémitique, puisque il est situé en ville.