L’austérité de la Gîtâ et l’Érémitisme Occidental

 

Comment est comprise l’ascétisme ou l’austérité dans la Gîtâ !

 

« Le culte des régnants célestes (Devas), le prêtre, le gourou, et les sages ; la pureté, la droiture, le célibat, et la non-violence, sont considérés comme l’austérité des actes. (17.14)

La parole non offensive, qui est véridique, agréable, bénéfique, et qui s’apprête à l’étude régulière des écritures est appelée l’austérité de la parole. (17.15)

La sérénité du mental, la douceur, l’équanimité, le contrôle du soi, et la pureté des pensées, est appelée l’austérité de la pensée. (17.16)

Cette triple austérité mentionnée ci-dessus (de la pensée, la parole, et les actes) pratiquée par des yogis persévérants, avec une foi inébranlable, sans désir d’en récolter les fruits, est dit d’appartenir au tempérament bonté. (17.17)

L’austérité pratiquée pour obtenir le respect, l’honneur, la révérence, et pour la cause de gloire extérieure qui s’appuie sur l’instabilité et l’éphémère est dit d’appartenir au tempérament passion. (17.18)

L’austérité pratiquée avec une obstination stupide, ou en se torturant, ou pour causer du tort aux autres, et dite d’appartenir au tempérament ignorance. (17.19) »

 

Les actes de service, de charité, et d’austérité, ne devraient pas être abandonnés, mais doivent être accomplis, car le service, la charité, et l’austérité sont les purificateurs des sages. (18.05)

Cette connaissance ne dois jamais être dite par toi à celui dont la vie n’est pas austère, ou qui n’a pas de dévotion, ou qui ne désire pas écouter, ou parle mal de Moi. (18.67)

 

Le yogi qui n’a pas abouti, est instinctivement poussé vers l’Éternel Être (Brahman) par la vertu des impressions (Samskāra) des pratiques yogiques dans les vies précédentes. Même le chercheur de yoga – l’union avec Dieu – dépasse ceux qui effectuent les rituels Védiques. (6.44)

Le yogi qui poursuit assidûment ses efforts, devient complètement libéré de tous péchés (ou imperfections) après avoir poursuivi graduellement des perfections en de nombreuses incarnations, atteint la Suprême Demeure. (6.45)

Le yogi est supérieur à l’ascète. Le yogi est supérieur aux érudits Védiques. Le yogi est supérieur aux ritualistes. Par conséquent, O Arjuna, devient un yogi. (6.46)

Je considère, le yogi consacré – qui affectionnément Me contemple avec une foi suprême, et dont le mental reste absorbé en Moi est le meilleur de tous les yogis. (Voir aussi 12.02 et 18.66) (6.47)

 

Les dites mortifications pratiquées par certains petits groupes d’ascètes en Inde et dans le passé lointain en Occident vont à l’encontre des prescriptions, qui ignorent l’art de vivre et qui appartiennent certainement à une catégorie inférieure de religieux même les mieux intentionnés. La foi qui relève de l’ignorance s’avère ne pas être une véritable foi. La Bhagavad Gîtâ ne tolère pas les mortifications, nous allons voir plus loin. L’accomplissement des mortifications mêmes absurdes comme la flagellation jusqu’à sang et allant même jusqu’à la torture personnelle, le jeûne total de longue durée et autres, sont plutôt des tendances vicieuses, par des instinct déréglés, des propensions malsaines ou les simples erreurs de comportement. Les besoins fondamentaux de la vie sont la nourriture, le vêtement et l’abri. Au fait, dans le langage des Écritures le mot « nourriture » inclut toutes ces nécessités. Aucun progrès spirituel n’accompagne les mortifications qui au fait peuvent mettre à mort comme le suicide pour une cause soi-disante élevée. Le vrai renoncement ne rejette ni ne condamne rien de ce qui est l’expression d’un véritable besoin, et de nécessité naturelle. Elle ne se refuse donc pas ce qu’exigent réellement la faim, la soif, le besoin de sommeil et de détente, l’infirmité ou la maladie. Ce que le renoncement combat, c’est la gourmandise, la délicatesse excessive, et la peur de l’effort. Il coupe et retranche, mais c’est afin de réparer les dommages causés par nos propres fautes de rétablir la nature, autant que faire se peut, dans sa pureté originelle, et de nous préparer ainsi au jour de la libération où il n’y aura plus de naissances et de morts, mais l’immersion du moi personnel dans l’existence infinie.

 

Pour conduire à ce but, l’ascèse saine ou austérité connaît trois grands moyens : le jeune modéré d’une nourriture saine, l’abstinence du mondain, et les veilles régulières même nocturnes de méditation, et pratiques dévotionnelles comme la récitation du chapelet et tout ce qui se rapporte à la prière. Les grands mystiques et sages de toutes les religions du monde ont toujours répugnés à l’homme ‘charnel’; et, peut-être sont-ils plus incompris que jamais à notre époque éprise de confort et accoutumée à satisfaire aisément tous ses désirs. Apaisement des passions, calme, sérénité, égalité d’humeur, équilibre psychique, vision objective des êtres : ces éléments de base de la sagesse, le Suprême Absolu les donne à ceux qui savent attendre, parfois, avant de satisfaire leur faim, renoncer habituellement à l’usage de certains aliments, interrompre leur sommeil pour méditer et L’invoquer. Ces pratiques, toutefois, il importe de les embrasser spontanément, par conviction personnelle ou du moins de désir sincère d’arriver dans le détachement à la Foi de la Gîtâ. Il importe, dans les commencements tout ou moins, de se munir des conseils d’un maître spirituel ou gourou expérimenté, et quant à la nourriture d’un diététicien Védique ou autre. Il en est un bon nombre aujourd’hui en Orient autant qu’en Occident, qui se trouvent d’accord en cette matière avec la tradition ascétique plutôt que cénobitique. Nous ne dirons ici que quelques mots à propos de chacun des moyens en cause, tels que le jeûne, l’abstinence, et les pratiques yogiques des veilles.

 

La Bhagavad Gîtâ, comme tout système Védiques nous apportent un moyen pratique pour atteindre à l’idéal le plus élevé. Bien que nous commencions par la pensée, notre but est d’aller au delà de la pensée, jusqu’à l’expérience décisive. Au fait, les systèmes philosophiques d’Orient et d’Occident, ne nous apportent pas seulement des théories métaphysiques, mais aussi un dynamisme spirituel. La Gîtâ nous donne un érémitisme pour les uns, et un yogaśāstra pour les autres, complet, large, flexible et riche de voies d’action, qui inclut plusieurs phases du développement de l’âme et de son ascension au divin. La perfection au degré humain est une tache qu’il faut accomplir par l’effort conscient. L’image du Suprême Être agissant en nous produit un sentiment d’insuffisance. L’homme a la hantise de la vanité, de la brièveté et de la instabilité de tout bonheur humain. Ceux qui vivent à la surface de la vie peuvent ne pas sentir la détresse, le déchiquetage d’esprit, et n’éprouver aucun désir de chercher leur vrai bonheur d’une paix intérieure en qualité de récompense spirituelle. Arjuna typifie l’âme humaine à la recherche de la perfection et de la paix. Dans les deux premiers chapitres de la Gîtâ nous le voyons le mental chargé de nuages, ses convictions incertaines, et sa conscience confuse. Les angoisses de la vie le blessent d’une misère rongeante. Pour chacun de nous il vient une heure, tôt ou tard, car la nature des choses n’a pas de hâte, où tout ce qu’on peut faire pour nous échoue, en tombant dans un abîme de totales ténèbres, où on donnerait tout ce qu’on possède pour un rayon de Lumière Divine. C’est ainsi, que la poussée invisible qui nous fait chercher le Suprême Absolu produit maintes fois l’agonie qui inspire l’idéalisme héroïque et l’épanouissement de l’homme. L’image du Seigneur en nous s’exprime dans l’infinie capacité de nous dépasser nous-mêmes. L’effort de l’homme a sa place dans l’abandon total au Suprême Absolu ; abandon qui ne peut être dénué ni d’intention ou d’effort.

 

Jeûner, c’est – La Palice l’aurait dit –s’abstenir de nourriture durant un temps plus ou moins long. On ne jeûne pas quand on se contente de manger moins que d’habitude, de rester sur sa faim, au petit déjeuner ou au repas du soir. Jeûner, c’est rester complètement à jeun pendant un temps vraiment notable : jusqu’au soir, disait l’ancienne tradition et pratiqué par l’Islam pendant le Ramadan ; où même plus longtemps si la santé de la personne permet. Ce qui n’interdit pas de prendre de l’eau ou quelque autre boisson légère si on en éprouve le besoin. De toute façon, il faut noter à ce sujet que l’estomac et les autres organes de la digestion ont besoin de se reposer de temps en temps. Ne les obligeons pas à travailler sans arrêt. Leur fatigue rejaillirait sur tout l’organisme. D’où la règle minimum de santé qui consiste à ne pas manger entre les repas, et à prendre ses repas à l’heure fixe, en les espaçant suffisamment les uns des autres. Trois repas par jour doivent suffire à un adulte, hors le cas de convalescence après une grave maladie. Et si l’on peut arriver à se contenter de deux, ou même de temps à autre, d’un seul repas, ce sera également très bénéfique. La réduction volontaire du nombre des repas, la pratique périodique d’un jeûne modéré mais sérieux, confère à la longue une indépendance remarquable à l’égard de la nourriture. On apprend par là à donner au corps ce dont il a réellement besoin et quand il en a besoin ; on n’est plus l’esclave d’une faim plus imaginaire que réelle, proche parente de la gourmandise et cause, si on la satisfait, de nombreux malaises.

 

L’abstinence, au sens restreint du terme, consiste à exclure de son alimentation ce que les anciens appelaient la « chair », mot qui contrairement à une interprétation trop répandue, désigne le poisson tout autant que la viande. Il s’agit donc d’observer un régime purement ou principalement végétarien. Un tel régime doit rester équilibré, contenir assez de protéines pour pourvoir à la perpétuelle reconstruction de l’organisme. Il le sera aisément si on place à la base  du pain de froment complet ou du blé sous une autre forme, du riz complet (riz brun), si l’on y ajoute du fromage, et, avec modération, des légumineuses : haricots, pois, lentilles, graines de soja, etc. On trouve beaucoup de protéines dans les noix, noisettes, cacahuètes et autres fruits oléagineux. Quant aux fruits et légumes, on les mangera de préférence frais, produits dans le pays et en leur saison. Ils conservent mieux leurs vitamines s’ils sont consommés crus. Autant que possible, l’huile et les autres graisses végétales ne seront ni portées à ébullition, ni même trop échauffées : mieux vaut les ajouter crues aux aliments déjà cuits. Il faut en tout cas éviter les fritures, qui sont de véritables poisons. D’une façon générale, préférer une cuisson lente à une cuisson trop rapide. On veillera à ne pas abuser du sel et des condiments irritants pour l’intestin. Le sucre, de son côté, ne doit être pris que modérément, et de préférence sous forme de miel, de cassonade ou de candi. On aura grand soin de bien mâcher la nourriture, surtout les féculents (pain, riz, légumineuses, etc.), qui ont besoin d’être bien imprégnés de salive pour être convenablement assimilés. Il va de soi qu’il est interdit de consommer tout boissons alcooliques.

 

D’aucuns s’étonneront peut-être de nous voir entrer dans de pareils détails. Tous les ascètes de n’importe quelle religion, ont reconnu l’importance d’une alimentation simple et saine, pleinement adaptée à une vie sédentaire, paisible, et adonnée principalement aux choses spirituelles, donc de l’esprit. Notre corps et notre âme ne font qu’un. Ils ne peuvent être dissociés que dans l’abstrait et comme par un jeu de l’intelligence. Ce qui nuit à l’un fait du tort à l’autre. Ce qui maintient l’un en bonne santé contribue à garder l’autre dans un état de parfait équilibre. Pour vivre pleinement au niveau du mental, dans la présence du Suprême Être, dans la plus grande paix, pour garder la lucidité du jugement, la pureté des pensées et des sens, il faut donner au corps une nourriture qui ne l’alourdisse pas et n’encrasse pas l’organisme, une nourriture qui n’excite pas les passions, la nervosité, le besoin de changement et l’agitation. Et c’est là ce qu’on est en droit d’attendre du régime que nous venons d’indiquer. Il faut vivre et travailler dans le détachement, rendant toujours le service désintéressé.

 

Les veilles nocturnes sont la troisième forme d’ascèse recommandée par la tradition érémitique ou ascétique. Les meilleurs moments pour méditer sont le matin très tôt et le soir avant d’aller se coucher mais quels que soient l’heure et le lieu choisis, il faut s’y tenir dans toute la mesure du possible car un rythme s’établit ainsi et une habitude spirituelle se crée qui augmentent le pouvoir et l’efficacité de la méditation. L’étude des Écritures, comme la méditation et les pratiques spirituelles dont la prière (la récitation des mantras comme « Gayatri » (voir notre introduction)), est absolument indispensable. D’autre part, il est également souhaitable de s’intéresser à la poésie, à la musique et aux arts, en s’assurant bien que les lectures sont vraiment bonnes et qu’elles ont des qualités spirituelles et édifiantes comme des ouvrages religieux concernant les Avatars. La beauté spirituelle élève l’âme vers le Suprême Absolu qui est la Fontaine de toute beauté et de toute béatitude. Il est bon et souhaitable de méditer sur les Avatars comme le Seigneur Krishna, le Christ ou sur le Bouddha, mais la meilleure de toutes les pratiques c’est celle qui consiste à méditer sur le Brahman (Dieu) dans toute Sa plénitude et dans toute Sa perfection en se rappelant toujours que les Avatars sont des rayons de Lui qui est le Tout. La dévotion au Suprême Absolu est l’un des plus sûrs moyens pour purifier la volonté et l’intellect. Au moment de la dévotion, vous exposez le mental à un flot de lumière, toutes vos pensées son concentrées sur la lumière. Si votre dévotion va au Seigneur Krishna, vous vous trouverez en face d’une grande montagne de lumière spirituelle, et il en va de même pour Rama, Siva, ou le Christ. La dévotion signifie projeter ce qu’il y a de meilleur en vous en forme-pensée pour en couvrir la sainte forme du Suprême Absolu. Dans cette état psychologique, le mental est inondé d’une lumière qui a un effet cumulatif et qui persiste même après la méditation comme le parfum d’une fleur, une rose par exemple, que vous touché dans le jardin.

 

A quoi peut te servir une science sans sincérité et véracité ? Donc, instruis-toi, pries, médite et jeûne dans un désintéressement complet, et fais le pour le bien-être des créatures. Une austérité qui ne serait pas humble, une austérité qui se prendrait trop au sérieux, ne saurait nous faire croître en amour, car, elle créerait au contraire des obstacles plus grands que ne le ferait une manière de vivre tout ordinaire et semblable à celle de tout le monde. Nous sommes dans le monde, mais pas du monde. Les moyens austères et ascétiques, on les utilise parce qu’on croit à leur valeur réelle.

 

L’érémitisme médiéval en Occident (X - XII siècles). Et, pourquoi pas de nos jours !

 

La définition même de l’ermite – quelqu’un qui se retire de la vie active pour mener une vie de solitaire. Un solitaire, dans sa cabane, songeait à autre chose qu’à rédiger un récit de ses expériences. Comment des actes auraient-ils pu être délivrés à son intention ? Il recherchait la solitude, mais point la stabilité. L’ermite ne figure dans les sources qu’accidentellement, lorsque son expérience a connu un tel succès qu’un établissement religieux s’est perpétué après son départ ou à sa mort, là où il vivait, lorsqu’on a continué à y vénérer sa mémoire. Dans ce cas, cependant, les dangers qu’un changement de perspective peut amener ne sont pas illusoires.

 

Les sources ne permettent pas de retrouver une origine sociale ou juridique commune à tous les ermites : la vocation de la solitude n’est pas liée à une condition déterminée. Ce sont les récits ou les vitæ qui donnent des indications précises et qui permettent de situer les ermites d’une extrémité de l’échelle sociale (la haute noblesse) à l’autre (les roturiers). Si leur origine diffère, leur éducation atteint presque le même niveau. Presque tous sont formés dans la science des lettres ; et, ils se distinguent ainsi de leur modèle, comme Antoine l’ermite.

 

  Résumé de ce que le yogi ou le dévot, l’ascète trouve dans la Gîtâ :

·        La connaissance de Soi ouvre l’homme sur l’univers entier, ses frères et sur le Suprême Absolu. Qui se connaît discerne l’économie du salut.

·        La destinée spirituelle de chacun assume la démarche en quête du salut final où il n’y aura plus de retour.

·        Cette œuvre du salut est réalisée en communion constante avec le Suprême Absolu.

·        A l’âme qui se livre à l’œuvre du Suprême Absolu, Son Esprit est accordé  suivant des mesures variables et, semble-t-il, en des étapes progressives. Il y a un Esprit de conversion (avec Lui toutes choses sont devenues nouvelles) qui facilite les débuts, et un Esprit directeur qui amène l’âme à progresser. Le Suprême Esprit est pour l’homme lumière et force. L’intimité et la douceur de cette collaboration en communion avec le Suprême Esprit et le cœur dans l’œuvre du salut, sont notre restauration spirituelle. Le Suprême Esprit instruit, guide, discerne en nous. Il allège et adoucit le combat, il atteste et attire intérieurement, et peu à peu par notre méditation et les pratiques yogiques, Sa mouvance toute entière.

 

L’ermite se retire dans la solitudo ; il s’installe dans un eremum ou un heremitagium, le sens de ces deux mots restant imprécis. Ainsi eremum est souvent employé dans le sens de « couvent », de « monastère », et ne suppose pas une vie solitaire.

 

L’ermitage peut avoir été abandonné pendant un certain temps, parce qu’un des traits typiques de la recherche de la solitude est l’absence de stabilité. Pour la plupart des ermites zélés, le retrait dans la solitude ne constituait pas l’étape définitive dans leur vie. L’érémitisme n’a été pour certains qu’une phase dans leur évolution spirituelle ou leur carrière ecclésiastique. Pour d’autres ascètes ou ermites, le retrait dans la solitude constituait bel et bien la phase définitive pour leur évolution spirituelle.

 

La solitude que recherchent les ermites doit être interprétée en deux sens : elle est solitude intérieure ou extérieure. Quoique les sources ne fassent normalement pas la distinction, une étude approfondie des sites occupés, plus spécialement par les cisterciens, prouve que l’isolement n’était pas si grand qu’on le croit. Le site favori fut une montagne, au bas de laquelle coule une rivière.

 

La maison, la cella ou cellula que se construit l’ermite est toute simple ; cabane de branchages, recouverte d’un chaume léger, elle prouve le lien qui unit l’ermite à la nature. Les premiers oratoires étaient faits de branches et de feuilles, ou du bois.  Quelquefois, on creusait des grottes. D’autres fois, les ermites s’installaient dans les ruines, ou bien ils restauraient une chapelle vétuste et délabrée. Aussi les arbres pouvaient servir d’abri, comme un chêne pourri à l’intérieur.

 

Pourquoi et comment tel ou tel clerc ou laïc se retire-t-il dans ce locus horroris et vastae solitudinis ? L’influence des Écritures Sacrées est manifeste. Plusieurs vitæ ou récits de fondation citent les Écritures sacrés, et si les extraits sont toujours différents, ils insistent encore aujourd’hui sur les mêmes valeurs et sur les conditions nécessaires à la libération éternelle, le Nirvāna (la vie éternelle) : quitter sa famille, vendre ses propriétés et donner tout aux pauvres, etc.

 

Établir une distinction très nette entre vie spirituelle et vie matérielle n’est pas chose facile, car la vie spirituelle conditionne profondément l’autre et vice versa. La solitude n’est pas un but en soi, mais doit amener l’ermite à tout abandonner pour le Suprême Absolu, et suivre le Seigneur, afin de parvenir à la libération, le salut de l’âme. La solitude aidera l’ermite à méditer, à prier et se livrer à des pratiques spirituelles le jour et la nuit, et à parvenir à la contemplation pure. De fait, « contempler » sera rendu dans la plupart des textes par vigilare, « être éveillé jour et nuit » ; c’est ce qui rend à l’ermite sa vie si dure. Sur le chemin de la contemplation, les pleurs, le lugere des textes érémitiques et cénobitiques, accompagnaient la prière ininterrompue.

 

En ce qui concerne l’hygiène, les ermites ne cultivaient pas les mêmes idéaux. Certains portaient leurs habits jusqu’à ce que l’excès de saleté ou de poux les obligeât à les quitter. Ils les secouaient alors sur le feu ou les trempaient dans l’eau et les revêtaient ainsi lavés et un peu pressés. D’autres voulaient que leurs vêtements fussent propres, car ils pensaient qu’avoir quelque chose de malpropre était un indice de négligence, et non preuve de vertu. La Gîtâ autant que les Écritures Védiques insistent sur la pureté intérieure et extérieure.

 

Important dans l’évolution de l’érémitisme est le rôle du travail manuel. Le travail est inspiré, et les ermites médiévaux en étaient conscients. Ils étaient aussi la conditio sine qua non de survie, mis à part les dons en nourriture que faisaient les fidèles. Le défrichement des terres, que les ermites occupaient sans en être propriétaires, était une activité ingrate, et ses résultats incertains. La recherche d’une plus grande sécurité les amènera précisément à obtenir la propriété qui sera, à son tour, un pas décisif vers la formation d’un coenobium.

 

Normalement l’ermite n’entre pas tout à fait seul dans son désert : on est deux ou trois, même au début, avant qu’on puisse parler d’une première expansion. Cette règle n’est pourtant pas générale, parce que les vrais solitaires existent. C’est autour de ce noyau primitif de deux ou trois ermites que va se former une plus grande communauté, dont il est impossible d’évaluer le nombre des membres : les sources narratives manquent de précision et les actes où ils figurent comme témoins datent généralement de l’époque cénobitique. Provisoirement, les premiers ermites habitaient ensemble, mais aucun vœu de stabilité ne les retenaient : on vient, on part. Cependant, afin d’éviter que leur ermitage ne devienne un colombier, les initiateurs favorisaient une tendance à la stabilisation. L’accroissement du nombre des ermites accentuera plus tard la stabilisation et constituera un nouveau pas vers la cénobitisation.

 

L’ermite en quête d’une solitudo perdait de vue que toute terre, si inculte ou désolée soit-elle, appartenait à quelqu’un. Son installation ne sera donc pas dénuée de difficultés, surtout lorsque la communauté grandit et que le défrichement perturbait la faune ou portait tort à la végétation. Mais les propriétaires laïques, même réticents au début, se laissaient finalement convaincre de concéder le site et la terre environnante à l’homo Dei (l’homme de Dieu).

 

Finalement, comment se comportaient envers les ermites les autorités ecclésiastiques, dont le rôle ne se limitait pas à celui de propriétaires ? Les évêques, quand ils s’attelèrent à la réforme grégorienne, ne pouvaient qu’être favorables à cette voie. La réforme de l’Église, en ce qu’elle concernait et la vie intérieure, et l’organisation ecclésiastique, devait être mise en œuvre avec le concours de l’érémitisme.

 

Plus loin, la construction d’une chapelle ou même d’une église est une affaire des plus importantes pour les solitaires : la cabane de bois ou la ruine restaurée ne suffisaient plus aux aspirations des zélés, ni au succès de leur ermitage. L’afflux des compagnons nécessitera la construction de nouveaux bâtiments, et la nouvelle église attirera d’autres vocations. Elle jouera donc un rôle principal dans la stabilisation de l’ermitage, ouverture au cénobitisme, l’expansion grandiose de l’ermitage.

 

L’érémitisme aujourd’hui en Occident et le dernier Concile Vatican II.

 

Dans le sillon de saint Benoît.

 

Comme l’auteur de cette étude appartient en tant qu’oblat séculier de saint Benoît à la grande famille religieuse bénédictine, cette partie sur l’érémitisme Occidental est, à  la fois comme le titre indique accentuée, sur la Gîtâ et la spiritualité bénédictine. L’oblat bénédictin est un croyant qui, poussé par le désir de mener une vie plus parfaitement conforme à l’idéal de l’Évangile, s’attache ainsi à une famille monastique de son choix et à un lien d’ordre spirituel, ainsi dans la mesure du possible participer aux prières et aux mérites de cette communauté à la recherche du Suprême Absolu (Dieu). De cette recherche de Dieu, poursuivie à travers toute sa vie, saint Benoît (480-547) n’a laissé qu’un unique témoignage, un peu comme la Gîtâ : une Règle qu’il avait établie pour les frères groupés autour de lui. Et cette Règle, maintes fois recopiée, maintes fois rééditée, guide encore de nos jours ceux qui officiellement, canoniquement, se réclament de saint Benoît, ceux qui peu ou beaucoup vivent dans le sillage du Père des moines. Ce père, jeune étudiant de la Rome impériale, fuyait la vie universitaire pour aller à la recherche de Dieu, dans la solitude de Subiaco (Italie). Et, là, ce n’était pas dans le but de réformer l’Église par une fondation qui révolutionnerait la vie religieuse de son temps : il fuyait simplement une société pourrie où régnait les ténèbres.

 

Saint Benoît, dans l’article premier de sa règle, distingue quatre espèces de moines. Les communautaires ou cénobites qui se groupent pour vivre selon une règle dans un monastère ou abbaye dirigé par un père abbé, qui lui représente le Christ au sein de cette congrégation. Les ermites ou anachorètes, dans une solitude radicale, cherchent une consécration encore plus totale à Dieu que les cénobites. Les sarabaîtes mènent seuls ou à deux, ou trois une vie religieuse selon leur fantaisies du moment. Les gyrovagues, enfin, ne tiennent pas en place, et voyagent.

 

Quant à l’érémitisme, il est fréquent de voir des fondateurs d’ordres religieux, tels que saint Benoît, saint Bruno (fondateur des Chartreux), saint François d’Assise, quitter les communautés qu’ils ont fondées et terminer leur vie à l’écart de leurs frères dans une solitude relative ou absolue.

 

Si l’ascèse ne doit pas être la destruction du corps (les mortifications corporelles sont interdites dans la Gîtâ), elle est cependant nécessaire pour manifester dans la chair le détachement, le service désintéressé, et la volonté de se gouverner soi-même.

 

Fixe ton mental sur Moi, sois Mon dévot, adore-Moi, et incline-toi devant Moi. Ainsi, uni à Moi en Me mettant comme dessein suprême et seul refuge, tu M’atteindras certainement. (Gîtâ 9.34)

 

N’en concluons pas que l’ascèse raisonnable deviendra accessoire ou temporaire. Elle n’est pas présente seulement à certains moments, mais toujours. Elle sous-tend toutes les heures de la journée, même si quelques gestes ponctuels visibles en manifestent l’importance. La solitude n’est pas l’horreur de l’autre. Elle postule la découverte, par certains hommes, qu’être « autre » est leur seul moyen d’aider les autres. L’ermite ne se contente pas de penser aux autres, mais essaie d’être autre pour les autres. L’ermite dans son désert doit réaliser, au sommet de son être, une communion avec les créatures vivantes. Finalement, le silence de l’ermite n’est pas ce que l’on croit. C’est une ligne de crête. L’ermite doit refuser toutes les contrefaçons du silence. Il doit écarter le silence de l’orgueil, le silence de ressentiment, le silence d’hébétude, le silence de la fatigue, le silence de l’angoisse, le silence de prudence, le silence de l’indécision. Tous ces silences ne sont que des mutismes. Le vrai silence digne d’être recherché, c’est vivre suivant la Bhagavad Gîtâ, la Bible, paroles de Dieu.

 

L’ermite et l’unité des religions.

 

L’ermitage accueille toutes les religions, et tous les âges de la vie de l’homme. L’ermite, l’ascète, le yogi de la Gîtâ est le plus œcuménique de tous les religieux, et fait naître dans la solitude, pour augmenter la communion des saints, une multitude silencieuse. Le Père Charles de Foucault (1858, explorateur et missionnaire français) ne baptisera personne, il ne verra pas un seul compagnon venir vivre à ses côtés, et il mourra même seul. C’est pourtant le père de Foucault qui engendrera la postérité spirituelle la plus abondante de notre temps.

 

Vatican II, la nouvelle Pentecôte dans l’Église catholique.

 

Appréciant les qualités individuelles des ermites, la Chrétienté surtout la Catholicité Romaine est consciente de ce que apportes leur témoignage dans une société qui ne croit plus en sa propre façon de vivre ; ainsi, le Vatican lors du dernier Concile a constitué un statut des ermites, notamment dans son « Code de Droit Canonique » (Ed. Centurion – Cerf – Tardy en 1984), Canon 603 § 1 et 2 :

 

(1)      Outre les instituts de vie consacrée, l’Église reconnaît la vie érémitique ou anachorétique, par laquelle des fidèles vouent leur vie à la louange de Dieu et au salut du monde dans un retrait plus strict du monde, dans le silence de la solitude, dans la prière assidue et la pénitence.

(2)      L’ermite est reconnu par le droit comme dédié à Dieu dans la vie consacrée, s’il fait profession publique des trois conseils évangéliques scellés par un vœu ou par un autre lien sacré entre les mains de l’Évêque diocésain, et s’il garde, sous la conduite de ce dernier, son propre programme de vie.

 

Au Concile Vatican II, Mgr. Remi De Rao, évêque de Vancouver, avait demandé une reconnaissance « simple et très souple » de la légitimité de la vie érémitique au sein de l’Église. En 1967, le congrès des abbés bénédictins décidait qu’il fallait « encourager les vocations à l’érémitisme…, mais après un discernement sérieux ».

 

Au fait, le véritable érémitisme n’a pas à être inventé de nouveau, il a toujours existé, au temps de Srīkŗşna que du Christ, même avant et après. La Présence du Suprême Absolu est cachée, et l’ermite l’imitera. Il se retire dans un lieu secret, ou reste là où il se trouve sans rien murmurer de son aventure. Il se peut que la communion intérieure éclate au-dehors, et il revêtit alors un « visage de fête », comme on le disait de saint Bruno, le fondateur des Chartreux. La vie solitaire obéit à des lois que l’ancienne pratique a dégagées et que la tradition a transmises. Comme on a déjà vu partiellement plus haut, tout au début, il y a des techniques du désert : comment organiser son temps, comment se nourrir, comment faire face à telle ou telle difficulté psychologique. Pour ce faire, de toute façon au début, un maître spirituel (un gourou charitable et désintéressé) est nécessaire. Alors seulement, l’ermite débutant pourra-t-il, s’installer dans son propre ermitage, et vérifier sa vocation au feu de l’expérience. Comme le « Code de Droit Canonique de l’Église Catholique Romaine » précis, est ermite celui ou celle qui vit en solitaire en pratiquant les trois vœux classiques des religieux : pauvreté, pureté (chasteté) et obéissance.  Pour le reste, chaque ermite ou ascète est dans une situation juridique particulière, quant à la Chrétienté.

 

Finalement, tout croyant aujourd’hui, que ce soit l’hindou, le chrétien ou autre, a plus que jamais besoin, d’une vie nourrie de solitude et de silence. Cette vie sera notre dernière naissance si nous avons aujourd’hui un désir brûlant pour la spiritualité, la méditation, et le courage de vivre une vie sainte ou divine. C’est ce que la Bhagavad Gîtâ nous propose, pleine d’optimisme, d’espoir et de joie. Un dévot silencieux et calme, qui pratique la méditation intensément et essaie de se défaire de ses fausses reconnaissances avec les enveloppes de matière, est le plus haut parmi les ascètes et érudits.

 

L’échange spirituel entre le monachisme hindou et chrétien.

 

Il y a une initiation personnelle chez l’hindou qui n’ existe pas chez le chrétien, notamment un approfondissement intérieur qui est lié à toute une phénoménologie du monde, des dévots et de la vie même. S’il y a vocation à la vie érémitique, c’est que ce dévot pendant tant d’années ne fait que méditer, réciter ses prières, en se plongeant dans les saintes écritures, vivant ainsi en communion avec le Suprême Absolu, faisant aussi cet effort d’intériorisation, qui fait l’hindou, mais aussi le chrétien. Côte à côte avec les Écrits Védiques, quand on lit certains textes chrétiens, on se demande où est la différence. On peut se trouver dans un climat culturel autre, ou même un univers psychologique différent, mais la poursuite est exactement la même. La seule grande différence entre l’hindouisme et le christianisme est celle du « passage outre », notamment mourir et renaître sans cesser d’être. Aujourd’hui, beaucoup d’Occidentaux, croyants bien-informés, acceptent, à l’encontre même du Christianisme, la doctrine de la réincarnation comme seule possibilité logique, ou de très forte éventualité.  Cela met d’autres éléments cruciaux de la doctrine chrétienne en cause, telles que le récit de la création, la naissance et la mort, le ciel (paradis céleste) ou l’enfer, et éventuellement la purgatoire, et la résurrection des morts.  (Après tout, ne vivons nous pas l’ère scientifique où les anciennes valeurs chrétiennes, s’expliquent au moins autrement ! Et, cela est encore peu dire.) Ce qui pour l’hindou se déroule en plusieurs vies, ou même une infinité de vies successives, pour le croyant Abrahamique (des trois courants religieux majeurs de la Bible et le Coran), tout se joue dans une seule vie. Et, cela est une différence inconcevable de nos jours.

 

A côté des trois figures gigantesques du monde mystique, qui ont accentué pour une très grande partie de la vie de l’auteur, notamment saint Benoît, saint Bernard de Clervaux, et saint Jean de la Croix, il porte depuis quelques années une vénération pour l’ermite et maître spirituel Sri Ramana Maharshi, de Tiruvannamalai, qui mourut en 1950 (1879-1950), connu comme le Sage d’Arunâchala. Il vivat retiré près de la montagne sacrée Arunâchala, plongé dans le Soi Éternel. Le saint homme alors septuagénaire, est vénéré encore aujourd’hui comme un saint et possède un rayonnement spirituel extraordinaire.

 

Un moine catholique, par ses écrits, incité au dialogue avec la spiritualité orientale et a achevé cette rencontre par sa vie : c’est un trappiste, l’écrivain américain Thomas Merton. Les premières œuvres spirituelles de sa carrière d’écrivain sont de bons livres dans la ligne traditionnelle, en forme d’autobiographie ou de méditations. Presque en même temps, Thomas Merton évolue dans le sens d’une radicalisation de la vie monastique, tant dans le sens de l’engagement politique (question raciale, et à l’époque la guerre du Vietnam) que dans celui de la méditation orientale, influencé par un maître du zen, l’écrivain, T. Suzuki. S’il doit au zen japonais la première impulsion, sa nouvelle orientation va le diriger plus généralement vers la spiritualité orientale. Il est fasciné de découvrir un monachisme ainsi exclusivement porté au perfectionnement intérieur et à la recherche de l’Absolu, d’autant plus qu’il doit reconnaître qu’une telle radicalisation n’exclut pas l’engagement au service désintéressé des hommes, ce que la Gîtâ enseigne d’ailleurs.

 

Ses expériences personnelles, fixées dans les aperçus théologiques et les notices de son journal, dominent dans son dernier voyage. Invité à parler à la conférence organisée à Bangkok par les ordres monastiques en 1968, il profite des semaines précédentes pour faire un voyage en Asie (Ceylan, Singapour et Thaïlande). Partout il noue des contacts et prend conscience avec joie les liens spirituels qui l’unissent aux moines hindous, bouddhistes et lamaïstes. Les expériences vécues au cours de ce voyage ne seront plus lues dans les ouvrages littéraires ni exprimées par la nouvelle orientation de sa vie : elles aboutissent dans la mort et dans le désir de se faire tout à tous, et même « frère bouddhiste pour ses frères bouddhistes », etc. La connaissance de la méditation orientale a poussé Thomas Merton à franchir des frontières dans une mesure telle que son itinéraire spirituel n’était plus accessible aux dogmes Catholique Romain. Il avait pris le risque, et beaucoup pensent que son ouverture vers les religions Orientales lui a coûté la vie, les causes de sa mort demeurant obscures jusqu’à ce jour. D’ailleurs, Thomas Merton esquisse dans ses dernières œuvres l’utopie d’un monachisme qui ne s’épuise pas à sonder ses propres traditions religieuses mais s’ouvre aux dimensions du monde pour dégager, au nom de tous les hommes et de toutes les religions, de nouveaux horizons en donnant une base unificatrice à l’expérience intérieure du Suprême Absolu (Dieu). Il s’agit donc pour lui de faire éclater les frontières de la religion culturelle et structurelle pour accéder, grâce à ce nouveau souffle de l’Esprit, à la vraie liberté. Il n’a, malheureusement, pas pu continuer son œuvre, mais depuis lors les philosophies Orientales sont déjà bien ancrées en Occident, et la pratique de la méditation jusque dans les monastères occidentaux actuels.

 

L’échange spirituel entre le monachisme (et, l’érémitisme) hindou et le monachisme chrétien a commencé dans les années cinquante et soixante (donc, il y a relativement peu de temps), et dès le début, de part et d’autre, les opinions furent très divergentes. Tant chez les hindous que chez les chrétiens on trouvait des moines qui approuvaient ce dialogue et qui l’ont même conduit jusqu’à l’expérience d’un choix de vie, mais des deux côtés s’élevaient des voix qui parlaient d'antipathie et recommandaient uniquement la tolérance réciproque. Fondre toutes les religions en une seule, dont la possibilité est démontrée par la Bhagavad Gîtâ, qui quant à ses vérités se trouve au-delà des religions. Surtout, lorsqu’on vient à comprendre la théorie de l’avatar, expression éloquente de la loi du monde spirituel. Si l’on considère le Suprême Absolu comme le Sauveur des hommes, il faut qu’Il se manifeste toutes les fois que les forces du mal menacent de détruire les valeurs humaines. Un avatar est une descente de Dieu dans l’homme, non une ascension de l’homme en Dieu, telle qu’on la voit dans l’âme libérée. La possibilité de la descente d’un avatar, tels que le Seigneur Krishna, Moïse, le Christ, Mohammed, pour nommer que quelques uns à travers les âges, indique que le Suprême Absolu n’est pas opposé à une manifestation vitale et physique complète. (La naissance du Seigneur Krishna signifie la rédemption au sein de la plus noire des nuits, car à l’heure du malheur et de l’esclavage, le Seigneur du monde naît.) Nous pouvons vivre dans le corps physique et pourtant posséder la pleine vérité de la conscience. La nature humaine n’est pas une chaîne ; elle peut devenir un instrument de la divinité. Bien que la Bhagavad Gîtâ accepte la notion que l’avatar est une limitation du Suprême Être Lui-même, accomplissant quelque dessein sur terre, possède dans Sa forme limitée la plénitude de la connaissance. La Gîtâ insiste aussi sur l’Avatar Éternel, le dieu (la Pensée Christique, l’Étincelle Divine, la Flamme Divine) dans l’homme, la conscience Divine toujours présente dans l’être humain, éveillée par la grâce Suprême, ou endormie dans l’ignorance.

 

Aujourd’hui les religions asiatiques se sont installées en Occident, par l’intermédiaire de quelques représentants remarquables, mais aussi malheureusement par de tristes aventuriers. En ce temps de déclin des traditions religieuses Occidentales, les hindous, les bouddhistes, sont autant de pôles d’attraction alternatifs aux religions existantes dans nos pays, dont il ne faut pas sous-estimer l’influence. Les religions asiatiques ont conquis leur place chez nous sur le marché des livres et dans les médias. Les chrétiens apprennent dans des cours appropriés des techniques nouvelles de méditation et de nouvelles manières d’interpréter les réalités religieuses, par exemple, l’inévitable réincarnation.

 

« Nous sommes tous ensemble des pèlerins qui se rencontrent, de pèlerins qui se mettent en route pour chercher Dieu, non dans des temples de pierre mais dans le cœur des hommes. » (S.S. Paul VI)

 

Si votre cœur est pur et votre mental vigilant, pour vous la nuit illuminera comme le jour, précieuse comme le reliquaire des grands souvenirs de l’Attitude du Suprême Être dans l’humanité.

 

La Bhagavad Gîtâ dit :

Car en percevant l’Éternel Être omniprésent (Brahman) demeurant dans tous les êtres, et tous les êtres demeurant en l’Éternel Être, le yogi qui est en union avec l’Éternel Être, voit chaque être d’un œil égal. (Voir aussi 4.35, 5.18) (6.29)

Ceux qui Me voient en tout et qui voient tout en Moi, ne sont pas séparés de Moi, et Je ne suis pas séparé d’eux. (6.30)

 

Philippe De Coster, D.D.[1]



[1] Pour situer en bref, ‘Philippe De Coster’ sur le plan religieux et spirituel, il est un gradué en théologie protestante. Il fut élève à l’Institut Biblique de Bruxelles (1960) ; il reçut en 1970 un certificat de fin d’études en métaphysique chrétienne de l’ « Unity School of Christianity, Lee’s Summit, Missouri, USA » ; obtint un diplôme au London Bible College, Northwood, Londres en 1984, et accepté depuis lors comme ancien élève de cette institution. Entretemps, il poursuivit un programme d’étude ‘extra muros’ de réadaptation théologique avec une faculté de théologie universitaire Américaine, et obtenu le degré de « Bachelier en Théologie » en 1980 au Southeastern University, Greenville, South Carolina par l’intermédiaire du Pasteur Diederik D. J. Quatannens, Professeur à la Faculté Théologique Protestante de Bruxelles, Aumônier Général des institutions pénitentiaires belge ; et, responsable Européen pour la Southeastern University. En 1979, il reçut le titre ‘honoris causa’ Anglo-saxon de ‘Docteur en Divinité’, d’où les initiales ‘D.D.’, conféré par l’Institut St. Ephrem à Stockholm, Suède, suite à un travail de recherche et traité théologiques important. Depuis 1963 environ, il s’est toujours intéressé à la méditation, à la vie érémitique et, fut même le fondateur d’une telle institution en Belgique sous l’abréviation    ‘OMESA’, l’ésotérisme notamment Hindou ; et, il eut depuis 1974 une haute fonction dans le Vieux Catholicisme Romain et Latine (hors Rome). Le 1e Octobre 1991, il fut reçu comme oblat séculier à l’Abbaye Bénédictine Saint Pierre (Catholique Romaine), Steenbrugge, lez Bruges (Belgique), par feu Dom Livien, prieur de la dite Abbaye. Il jouissait ainsi des privilèges spirituels de l’Ordre Bénédictin. Le Père Dom Livien-Frans Biebuyck mourut le 5 Février 1998. Désormais, à la retraite depuis Janvier 2000, il s’occupe unique de propager la Bhagavad Gîtâ et la Méditation (comme toujours d’ailleurs depuis les années soixante), tout en vivant son idéal de vie semi érémitique, puisque il est situé en ville.